Nanos Valaoritis
Nanos Valaoritis est né en 1921. Il vit aujourd'hui en Californie. Je suis entré en contact avec lui en 1977 par l’intermédiaire de Claude Pélieu et j’ai traduit plusieurs de ses poèmes.
En voici quatre qui furent publiés en avril 1978 dans le n° 8 de Starscrewer.
L'ÂGE DU NIRVANA
Mes pieds sont collés à la terre
Ma tête brûle continuellement
Mes yeux sont en verre
Mon corps est transparent
Tout le monde peut lire mes pensées
Tous ceux qui savent lire un journal
Peuvent lire mes pensées comme un secret dévoilé
Peuvent visiter la chambre secrète
Où ma Vénus est couchée prisonnière dans sa peau
Tout le monde peut faire parade de son savoir
Et apporter des modifications importantes
A ce poème
Tout le monde
Tous ceux qui ont un coeur
Et trois pieds
Et une plume et du papier
Tous ceux dont les orteils brillent dans le noir
Et qui souhaitent encore une fois devenir opaques
Peuvent être ce floconneux nuage blanc
Flottant sur mon esprit hébété
DANS DE BEAUX DRAPS
Avec une magnanimité mélodramatique
Ils me concédèrent l'usage de mes dents
Pour que je puisse répandre la terreur dans ce voisinage
de désirs putréfiés:
Plusieurs choses arrivent en même temps
Quelqu'un d'humeur perverse renversa le gouvernement par
la force
Quelqu'un d'autre s'endormit sur un oreiller d'espérances
Trois personnes se suicidèrent par la pensée:
On me tire par les pieds jusqu'au bord de la terrasse
On menace de me jeter de l'autre côté de la rue
là où ma mère attend avec un drap tendu
L'homme qui se penche vers moi est une version grimaçante
de moi-même
En costume bleu et chemise à col ouvert
- On va tout de suite t'envoyer dans un couvent, dit-il,
de toutes façons tu ne vaux rien d'autre
Espèce de fillette... Ils m'enveloppent dans une feuille
de plastique
Et ils commencent à me balancer... Un... Deux... Trois... je
m'envole dans l'espace
Dans l'intervalle quelqu'un se plaint auprès de la compagnie
du téléphone parce qu'on lui a imputé des appels
qu'il n'a jamais effectués
L'opératrice lui offre son traitement si c'est ce qu'il veut
Autrement pourquoi ne pas se donner rendez-vous Samedi...
Le chauffeur d'une Sedan noire enlève une dactylo au siège
de la Compagnie Pétrolière
On entend ses hurlements depuis la terrasse d'un appartement
au cinquième où des architectes donnent une
réception
Ils inclinent la tête en échangeant des regards lourds de sens
Mais aucun ne daigne se pencher au balcon pour voir ce qui se
passe
La sonnette retentit : Un type avec une livrée de chauffeur en
cuir noir
Apporte un colis enveloppé dans un drap
- Les vieux vêtements de Madame chuchote-t-il en lançant une
oeillade à la domestique
Qui suffoque sous le poids du colis
Vous avez sans doute deviné que mon cadavre se trouve dedans
- Avec les félicitations du gouvernement dit un personnage en
tendant une boisson verte à l'hôte
Qui est en proie à une frousse bleue...
On me roule au bord du garde-fou pour me rejeter dans la rue
Cette fois j'atterris sur le traitement de l'opératrice
Qui pense que je vais lui voler son argent
Ou l'envoyer dans un couvent à cause de ce rendez-vous oublié
avec moi
Le type qui se plaignait l'autre soir à la compagnie du téléphone au sujet du drap de sa mère
JE SUIS
Grec avec tes voyelles ouvertes
Italien avec ton anus ravissant
Egyptien avec ton pubis délicat
Assyrien avec tes nuages amoncelés
Indien avec ton oiseau de la foudre
Syrien avec tes soupirs cruels
Espagnol avec ta blessure insensée
Juif avec tes nombres cachés
Irlandais avec tes mains de fée
Anglais avec tes serments solennels
Français avec tes appétits frénétiques
Allemand avec tes espoirs détruits
Russe avec ton admiration
Suédois avec ton sexe danois
Autrichien avec Von Stroheim
Africain pour des idées plus noires
Chilien pour la sensualité
Haïtien pour ton ego aérien
Polonais avec mes frayeurs continues
Tartare avec tes jambes ouvertes
Birman avec tes poils touffus
Hindou avec la maîtrise de ton souffle
DECLARATION D'IMPORTANCE
Ceci n'est pas un discours messieurs
C'est une allocution
C'est une allocution à propos de rien de spécial
A propos de la valeur relative de certaines choses
A propos de tout ce qui se transforme en obstacle
Mes plus fortes pensées à ce sujet
A propos d'un jour noir portant des gants blancs
Pénétrant dans la chambre à coucher
A propos de l'aube se levant
Pour rencontrer le jour invisible
Avec un collier de larmes de crocodiles
Au-dessus des perles vertes de ses seins
Non ceci n'est pas une allocution messieurs
C'est un discours
A propos de rien de spécial
A propos de la valeur relative de certaines choses
A propos de tout ce qui se transforme en obstacle
Mes plus fortes pensées à ce sujet.
En voici quatre qui furent publiés en avril 1978 dans le n° 8 de Starscrewer.
L'ÂGE DU NIRVANA
Mes pieds sont collés à la terre
Ma tête brûle continuellement
Mes yeux sont en verre
Mon corps est transparent
Tout le monde peut lire mes pensées
Tous ceux qui savent lire un journal
Peuvent lire mes pensées comme un secret dévoilé
Peuvent visiter la chambre secrète
Où ma Vénus est couchée prisonnière dans sa peau
Tout le monde peut faire parade de son savoir
Et apporter des modifications importantes
A ce poème
Tout le monde
Tous ceux qui ont un coeur
Et trois pieds
Et une plume et du papier
Tous ceux dont les orteils brillent dans le noir
Et qui souhaitent encore une fois devenir opaques
Peuvent être ce floconneux nuage blanc
Flottant sur mon esprit hébété
DANS DE BEAUX DRAPS
Avec une magnanimité mélodramatique
Ils me concédèrent l'usage de mes dents
Pour que je puisse répandre la terreur dans ce voisinage
de désirs putréfiés:
Plusieurs choses arrivent en même temps
Quelqu'un d'humeur perverse renversa le gouvernement par
la force
Quelqu'un d'autre s'endormit sur un oreiller d'espérances
Trois personnes se suicidèrent par la pensée:
On me tire par les pieds jusqu'au bord de la terrasse
On menace de me jeter de l'autre côté de la rue
là où ma mère attend avec un drap tendu
L'homme qui se penche vers moi est une version grimaçante
de moi-même
En costume bleu et chemise à col ouvert
- On va tout de suite t'envoyer dans un couvent, dit-il,
de toutes façons tu ne vaux rien d'autre
Espèce de fillette... Ils m'enveloppent dans une feuille
de plastique
Et ils commencent à me balancer... Un... Deux... Trois... je
m'envole dans l'espace
Dans l'intervalle quelqu'un se plaint auprès de la compagnie
du téléphone parce qu'on lui a imputé des appels
qu'il n'a jamais effectués
L'opératrice lui offre son traitement si c'est ce qu'il veut
Autrement pourquoi ne pas se donner rendez-vous Samedi...
Le chauffeur d'une Sedan noire enlève une dactylo au siège
de la Compagnie Pétrolière
On entend ses hurlements depuis la terrasse d'un appartement
au cinquième où des architectes donnent une
réception
Ils inclinent la tête en échangeant des regards lourds de sens
Mais aucun ne daigne se pencher au balcon pour voir ce qui se
passe
La sonnette retentit : Un type avec une livrée de chauffeur en
cuir noir
Apporte un colis enveloppé dans un drap
- Les vieux vêtements de Madame chuchote-t-il en lançant une
oeillade à la domestique
Qui suffoque sous le poids du colis
Vous avez sans doute deviné que mon cadavre se trouve dedans
- Avec les félicitations du gouvernement dit un personnage en
tendant une boisson verte à l'hôte
Qui est en proie à une frousse bleue...
On me roule au bord du garde-fou pour me rejeter dans la rue
Cette fois j'atterris sur le traitement de l'opératrice
Qui pense que je vais lui voler son argent
Ou l'envoyer dans un couvent à cause de ce rendez-vous oublié
avec moi
Le type qui se plaignait l'autre soir à la compagnie du téléphone au sujet du drap de sa mère
JE SUIS
Grec avec tes voyelles ouvertes
Italien avec ton anus ravissant
Egyptien avec ton pubis délicat
Assyrien avec tes nuages amoncelés
Indien avec ton oiseau de la foudre
Syrien avec tes soupirs cruels
Espagnol avec ta blessure insensée
Juif avec tes nombres cachés
Irlandais avec tes mains de fée
Anglais avec tes serments solennels
Français avec tes appétits frénétiques
Allemand avec tes espoirs détruits
Russe avec ton admiration
Suédois avec ton sexe danois
Autrichien avec Von Stroheim
Africain pour des idées plus noires
Chilien pour la sensualité
Haïtien pour ton ego aérien
Polonais avec mes frayeurs continues
Tartare avec tes jambes ouvertes
Birman avec tes poils touffus
Hindou avec la maîtrise de ton souffle
DECLARATION D'IMPORTANCE
Ceci n'est pas un discours messieurs
C'est une allocution
C'est une allocution à propos de rien de spécial
A propos de la valeur relative de certaines choses
A propos de tout ce qui se transforme en obstacle
Mes plus fortes pensées à ce sujet
A propos d'un jour noir portant des gants blancs
Pénétrant dans la chambre à coucher
A propos de l'aube se levant
Pour rencontrer le jour invisible
Avec un collier de larmes de crocodiles
Au-dessus des perles vertes de ses seins
Non ceci n'est pas une allocution messieurs
C'est un discours
A propos de rien de spécial
A propos de la valeur relative de certaines choses
A propos de tout ce qui se transforme en obstacle
Mes plus fortes pensées à ce sujet.
Libellés : Lucien Suel, Pélieu, Poésie, Traduction, Valaoritis
2 Comments:
je lis
L'ÂGE DU NIRVANA
ce texte est vraiment merveilleux
la dernière fois que j'ai dit ça
j'avais l'anthologie des
années Colpix de Nina Simone
entre les doigts
merci Lucien pour ses (re)découvertes
nouvelles
Merci Jean-Marc et merci aussi à Jane Sweet.
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