Alexandre Zinoviev - La zinoviega 3/6
Chapitre extrait de « Les confessions d’un homme en trop » par Alexandre Zinoviev, éditions Olivier Orban, 1990, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain. Réédité chez Gallimard dans la collection folio/actuel en octobre 1991.
La zinoviega
N'agis pas au nom des autres. Pense aux conséquences de tes actes pour les autres : tu en es responsable. Les bonnes intentions ne justifient pas les mauvaises conséquences de tes actes, de même les bonnes conséquences ne justifient pas les intentions mauvaises.
Le corps est rongé par des microbes invisibles. L'âme est rongée par de menus soucis et émotions. Ne permets pas aux vétilles de la vie de s'emparer de ton âme.
Ne compte jamais sur l'appréciation objective de tes actes : elle n'existe pas. Les gens jugent ton comportement selon leurs intérêts et leur vision du monde. Les gens sont différents. Le même acte peut être bon pour les uns et mauvais pour les autres. Lorsqu'ils jugent les actes d'autrui, les gens ne sont jamais au courant de toutes les circonstances. N'oublie pas qu'il existe aussi des mensonges et des calomnies prémédités et que les gens ont tendance à idéaliser leurs idoles. Sache donc que tu vis et mourras incompris des autres. C'est la loi générale. Et toutes les « injustices » qu'on t'aura faites seront corrigées par la mort et l'oubli.
L'homme qui n'a aucun contrôle intérieur et extérieur de son comportement est capable de bassesse envers son prochain. Il n'est limité que par les autres. Par des efforts communs, les gens inventent des systèmes de limites sous forme de coutumes, du droit, de la religion et de la morale. Mais ces limites ne sont jamais absolues.
Au cœur du meilleur des hommes, il y a toujours un salaud qui peut remonter à la surface si le contrôle intérieur ou extérieur s'affaiblit. On ne peut donc se confier à personne. On peut toujours te tromper ou te jouer un mauvais tour. Cela concerne surtout tes proches : ils peuvent t'assener des coups particulièrement durs car tu ne t'y attends pas. Les ennemis de l'homme, disait Jésus, sont ses proches.
On ne peut se contenter de faire confiance aux gens. Il faut les placer dans des conditions telles qu'ils feront ce dont tu as besoin, non pour toi mais pour eux-mêmes. Evite les situations où tu risques d'être trompé. Attache-toi avec modération aux autres pour que la désillusion ne soit pas catastrophique.
à suivre
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