Mauricette Beaussart - VAPEURS 2
Vapeurs 2
par Mauricette Beaussart
Le Dépli amoureux n° 42, novembre 1987
par Mauricette Beaussart
Le Dépli amoureux n° 42, novembre 1987
Le temps est trop humide pour aller risquer de se tordre les chevilles sur les dépotoirs suburbains. Bien au chaud, attentive au souffle du vent qui aspire la fumée de mon petit Godin, je lis car la DECHARGE est là, n° 41, avec comme dans LE DEPLI AMOUREUX , un supplément intitulé POLDER (Bol d'air ?).
Dans la revue une espèce de polémique où l'on retrouve Denys-Louis Colaux, Alex Millon, Robert Varlez, Jacques Morin et même Thierry Pérémarti. Un seul mot : enfantillages ! Et je suis gentille ! Par contre deux textes à signaler : "Biographémes" de Christophe-Jean Geschwindenhammer et "Brouillon" d'Alain Malherbe. Mon côté commère me fait apprécier ces biographèmes dans lesquels C.-J. Geschwindenhammer expose avec franchise et habileté quelques éléments de sa cuisine littéraire. Ce genre de textes m'intéresse davantage que le produit fini, que la poésie à ellipses, car c'est la mise en travail qui compte. Combien de cuisinières n'ont plus faim après avoir préparé le repas !
On tourne la page et on glisse sur les épluchures d'Alain Malherbe. On jette les yeux dans le brouillon : huit fragments ; trop peu pour mon bonheur. J'en lirais des sacs pleins. Je n'avais plus rien lu d'Alain Malherbe depuis son "Bar- Tabac etc" paru en 1981 et "L'appel des étoiles" paru dans M 25. J'aimerais bien qu' il nous dise ce qu'il fait, ce qu'il "crève d'envie d'écrire", mais surtout, qu'il ne rédige pas, qu'il en reste au brouillon.
Je n'en ai pas fini avec ce n° 41 de DECHARGE puisqu'il y a un supplément, et quel supplément, un roman de Françoise Lefebvre intitulé "Le Fil". (Roman me paraît plus approprié que recueil.) Le Fil, donc. Un rat de bibliothèque pourrait penser qu'il s'agit d'un scénario pour une vie de Colette Peignot, alias Laure, morte folle sur le champ de Bataille. Mais c'est beaucoup plus que cela. Un tourbillon d'éclairs dans le cerveau délabré d'une vieille femme. La chronologie de ce récit est aussi brisée que l 'âme souffrante condamnée à vivre, à revivre l'enfance et la vieillesse, dans la folie, sous le regard obscène des autres. Et personne n'est responsable. Françoise Lefebvre a écrit un texte dont l'éclatement apparent porte une émotion réelle, une compassion sans ironie. J'ai lu ce texte l'esprit ouvert et la gorge serrée. Françoise Lefebvre, Alain Malherbe, C.-J. Geschwindenhammer, trois bonnes raisons de vous procurer le n° 41 de la revue DECHARGE.
"L'adoration de la viande" de Thierry Tillier, n'est certes pas un ouvrage polémique contre les adeptes du végétarisme. A travers les fantasmes auxquels cet auteur m'a habituée, je découvre une manière de matérialisme mystique, noir et dévastateur. Là aussi, la forme, en ces photocopies violemment contrastées, déchiquetées par des notules et des griffonnages d'excision, adhère parfaitement aux propos décousus, déchirés de Thierry Tillier. Tout ceci requiert la participation d'un corps, d'une souffrance, d'un plaisir... Ce n'est pas tout à fait le cas dans les deux nouveaux ouvrages de José Galdo : "La Nouvelle Danse des morts" et "La vierge de Nuremberg".
Cette "Nouvelle Danse des Morts", que j'aurais plutôt tendance à intituler "la nouvelle danse des mots", me semble être un exercice de sémantique simple. Le matérialisme pur de ces débris de vocabulaire assemblés par famille me paraît trop fabriqué pour me toucher vraiment, même si le flot noir coule souvent impétueusement. Ce fleuve de sang tournerait vite en eau de boudin si, de temps en temps, n'affleurait un récif, générateur de tourbillons lumineux du côté du l'encéphale. La torture infligée par le vacarme des mots est-elle plus efficace que le goutte à goutte sur le front du lecteur ? La vierge de Nuremberg est-elle armée d'aiguilles à tricoter les adjectifs et les substantifs ? Voilà ce que je me demande, affalée dans mon faux-Chippendale, lacéré de coups de griffe...
Dans la revue une espèce de polémique où l'on retrouve Denys-Louis Colaux, Alex Millon, Robert Varlez, Jacques Morin et même Thierry Pérémarti. Un seul mot : enfantillages ! Et je suis gentille ! Par contre deux textes à signaler : "Biographémes" de Christophe-Jean Geschwindenhammer et "Brouillon" d'Alain Malherbe. Mon côté commère me fait apprécier ces biographèmes dans lesquels C.-J. Geschwindenhammer expose avec franchise et habileté quelques éléments de sa cuisine littéraire. Ce genre de textes m'intéresse davantage que le produit fini, que la poésie à ellipses, car c'est la mise en travail qui compte. Combien de cuisinières n'ont plus faim après avoir préparé le repas !
On tourne la page et on glisse sur les épluchures d'Alain Malherbe. On jette les yeux dans le brouillon : huit fragments ; trop peu pour mon bonheur. J'en lirais des sacs pleins. Je n'avais plus rien lu d'Alain Malherbe depuis son "Bar- Tabac etc" paru en 1981 et "L'appel des étoiles" paru dans M 25. J'aimerais bien qu' il nous dise ce qu'il fait, ce qu'il "crève d'envie d'écrire", mais surtout, qu'il ne rédige pas, qu'il en reste au brouillon.
Je n'en ai pas fini avec ce n° 41 de DECHARGE puisqu'il y a un supplément, et quel supplément, un roman de Françoise Lefebvre intitulé "Le Fil". (Roman me paraît plus approprié que recueil.) Le Fil, donc. Un rat de bibliothèque pourrait penser qu'il s'agit d'un scénario pour une vie de Colette Peignot, alias Laure, morte folle sur le champ de Bataille. Mais c'est beaucoup plus que cela. Un tourbillon d'éclairs dans le cerveau délabré d'une vieille femme. La chronologie de ce récit est aussi brisée que l 'âme souffrante condamnée à vivre, à revivre l'enfance et la vieillesse, dans la folie, sous le regard obscène des autres. Et personne n'est responsable. Françoise Lefebvre a écrit un texte dont l'éclatement apparent porte une émotion réelle, une compassion sans ironie. J'ai lu ce texte l'esprit ouvert et la gorge serrée. Françoise Lefebvre, Alain Malherbe, C.-J. Geschwindenhammer, trois bonnes raisons de vous procurer le n° 41 de la revue DECHARGE.
"L'adoration de la viande" de Thierry Tillier, n'est certes pas un ouvrage polémique contre les adeptes du végétarisme. A travers les fantasmes auxquels cet auteur m'a habituée, je découvre une manière de matérialisme mystique, noir et dévastateur. Là aussi, la forme, en ces photocopies violemment contrastées, déchiquetées par des notules et des griffonnages d'excision, adhère parfaitement aux propos décousus, déchirés de Thierry Tillier. Tout ceci requiert la participation d'un corps, d'une souffrance, d'un plaisir... Ce n'est pas tout à fait le cas dans les deux nouveaux ouvrages de José Galdo : "La Nouvelle Danse des morts" et "La vierge de Nuremberg".
Cette "Nouvelle Danse des Morts", que j'aurais plutôt tendance à intituler "la nouvelle danse des mots", me semble être un exercice de sémantique simple. Le matérialisme pur de ces débris de vocabulaire assemblés par famille me paraît trop fabriqué pour me toucher vraiment, même si le flot noir coule souvent impétueusement. Ce fleuve de sang tournerait vite en eau de boudin si, de temps en temps, n'affleurait un récif, générateur de tourbillons lumineux du côté du l'encéphale. La torture infligée par le vacarme des mots est-elle plus efficace que le goutte à goutte sur le front du lecteur ? La vierge de Nuremberg est-elle armée d'aiguilles à tricoter les adjectifs et les substantifs ? Voilà ce que je me demande, affalée dans mon faux-Chippendale, lacéré de coups de griffe...
A suivre...
Libellés : Archives, La patience de Mauricette, Mauricette B.
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