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vendredi 2 août 2024

Alexandre Zinoviev - La zinoviega 5/6

 Chapitre extrait de « Les confessions d’un homme en trop » par Alexandre Zinoviev, éditions Olivier Orban, 1990, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain. Réédité chez Gallimard dans la collection folio/actuel en octobre 1991.

 La zinoviega

L'homme est seul. C'est son état le plus pénible. La vie est ainsi faite que les contacts avec autrui ne sont qu'extérieurs et fortuits, sans pénétration mutuelle des âmes. On peut supporter toutes les souffrances, sauf la solitude. Il n'y a pas de remède contre elle, pas d'exercices qui aident à la surmonter. Une de ses formes est particulièrement grave : c'est l'état d'un homme entouré de gens, libre dans le choix de ses connaissances, mais qui ne trouve personne qui lui soit proche. La solitude de l'homme au milieu de la foule est horrible. L'homme vit en permanence dans l'attente de sa fin. Pas d'espoir, pas de lumière à l’horizon. Mon système apprend à l'homme à éviter une telle expérience. C'est une prophylaxie de la solitude ou, plus exactement, une préparation à la solitude en tant que bilan inévitable d'une vie. Il apprend à l'affronter armé de pied en cap et à l'accueillir comme état qui possède ses propres mérites : indépendance, insouciance, loisir de contemplation, mépris des pertes, aptitude à mourir.

Il faut être toujours prêt à mourir. Il faut vivre chaque jour comme s'il était le dernier. Essaie d'achever ta vie de sorte qu'il ne reste rien après ta mort. Un petit héritage provoque moqueries et mépris. Un gros engendre méchanceté et animosité des héritiers. Tu es venu au monde sans y être appelé et tu partiras sans que l'on te pleure. N'envie pas ceux qui restent : ils partageront le même sort, nous partirons tous, tôt ou tard, et personne, jamais, ne saura ce que nous étions. Mieux vaut mourir encore en bonne santé que plus tard malade. Les faibles s'accrochent à la vie. Les forts sont plus facilement prêts à s'en séparer. Mieux vaut mourir sans en être averti, soudainement, que regardant la mort en face et lentement. Heureux ceux qui sont tués dans le dos !

à suivre

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