Sur la route à la brune entre Haverskerque et Guarbecque.
Traverse des effilochures de brume respiration du marais.
Mains serrées autour des poignées de plastique bleu pétrole.
De la force des mollets le cerveau transmet aux pédales pédalier chaîne dents de la roue libre moyeu jante et pneu.
Le caoutchouc frottefrotte la molette crantée de la dynamo.
Shhuintronronnement mécaniquement produit d'énergie humaine.
Lumière jaune devant rouge petit point tremblotant derrière.
La selle de cuir dur enveloppée dans un torchon à carreaux noué sous les ressorts pour améliorer le confort du siège.
Au bord de la jupe genoux ronds se frôlent au-dessus du cadre.
Tout le mouvement des muscles jumeaux des mollets fabrique transportsécurité rendementefficacité déplacementlumière.
Vélocité de la lumière au carré multipliée par poids du corps.
Lumière avance accélère ralentit en même temps que le vélo.
Rayon jaune danse sur le bas-côté de la route transperce déchiquette colorévèle les flaques grises du brouillard.
L'ombre déhanchée projetée par la lune s'esquinte à coller à la roue passe silencieusement au-dessus des profonds fossés.
Fraîcheur inodore sur la peau sur les gares debout du vélo.
Sur le pont de bois tout à coup d'un coup tout hoquette tout tout toutoutout tressautesausaute clicliclicqueticlette vévélolo cacatadioptre momolélé bouboudédénénénéné de Mauricette.
Dans la nuit qui vient les silhouettes des vaches et veaux plongés dans l'herbe haute de la nouvelle pâture ruminant.
Voici lune au fond de l'eau aperçue par-dessus la rambarde.
Vol silencieux d'une chouette paquet de viscères au bec.
Friss-chairdepoule-sson rapide chevilles tricotent le trajet.
Prisonnière Mauricette dans les phares de longue portée avec le vacarme du camion qui se rue vers la petite lumière rouge.
Gifle énorme du vent accumulé derrière le monstre et bbarrkk bouffée de diesel brûlé aspiré vaporisé au fond des narines.
Gros yeux rouges s'éloignent traînée de gaz et de poussière.
Corpsvélo titubant pour retrouver stabilité et régularité.
Oreille tendue chaîne et roulement route sous les roues.
De chaque côté du vélo maisons fenêtres bleuies par la maladie de télévision incurable cancerahlzeimer d'enfance à mort.
Voitures stationnées jusqu'à l'aube prochaine se pelliculant fin voile de buée et de molécules chimiques carbone et plomb.
Vélo immobile c'est le macadam un tapis autour de la terre.
Debout sur les pédales cheveux soulevés par la brise à l'aube à la nuit tombante au soleil en route infiniment direction paricilà droit devantderrière en rond en ronde toutoujours rouleroute parfum de sueur odeur d'éther retour en route sans fin sur soi-même éternel là-bas à rebours sur la route erout al rus…
Lucien Suel
Ce poème a été publié pour la première fois dans le recueil "Je suis debout" aux Éditions de La Table Ronde en mars 2014
c'est formidable comme quand elle réapparaît, cette Mauricette, tout à coup, tout me/nous revient avec elle... c'est juste parce qu'on l'aime - beaucoup - d'un amour secret bien sûr
RépondreSupprimerMerci. Je sais que Mauricette nous aime aussi (et qu'elle nous protège !)
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